(Paris) On s’en doutait. L’Olympia, lundi soir, était remplie à craquer – environ 2400 spectateurs déchaînés, debout à l’orchestre vidé de ses fauteuils – pour le premier spectacle d’une certaine Coeur de pirate.
Une parfaite inconnue débarquée en mai 2009 à Paris, mais avec dans ses bagages un tube intitulé
Comme des enfants et qui allait se mettre à tourner en folie sur les radios musicales et généralistes. Le bouche à oreille a été si fulgurant qu’un premier showcase à la Boule noire, petite salle de 150 places, ce même mois de mai, a tourné en happening.
On connaît la suite: un spectacle prévu de longue date à la Cigale, le 6 octobre, tournait cette fois quasiment à l’émeute. On avait admis dans la salle de 450 places beaucoup plus de spectateurs, massés debout sur les côtés, assis dans les gradins au balcon. De toute évidence, il se passait quelque chose de nouveau au royaume du showbiz français.
Confirmation le 6 mars aux Victoires de la musique lorsque Béatrice Martin a décroché le très convoité prix de la Chanson révélation de l’année. Ce jour-là, son album venait d’atteindre les 200 000 copies et se trouvait en 12e position dans les meilleures ventes.
Lundi soir, tandis qu’elle vivait son premier Olympia, le titre était remonté en deuxième position. Et la course folle continue. On n’avait pas vu de succès aussi fulgurant depuis les épopées de Roch Voisine ou Lara Fabian en leur temps. Des chevauchées fantastiques qui les avaient menés en un temps record à plus d’un million d’albums dans un cas, deux millions dans l’autre. À cette époque préhistorique où il n’y avait pas encore de téléchargements.
Tout est allé tellement vite qu’elle paraît presque submergée par le succès. D’autant plus que Béatrice Martin n’est pas une «performeuse» naturelle. En interview, elle nous avouait qu’elle est du genre à mourir de trac les jours où elle donne un spectacle. Ce qu’elle fait à merveille, c’est de s’installer au piano, dont elle joue si bien, pour interpréter ses chansons. Mais pour les textes d’enchaînement, elle s’en tient au strict minimum: ce sont des textes très brefs, écrits à l’avance et, sauf erreur, c’étaient les mêmes qu’en octobre à la Cigale.
La nouvelle star montante de la scène française, acclamée lundi soir par 2400 fans déchaînés est une toute jeune femme blonde de 20 ans, qui en paraît trois de moins, et qui a l’air curieusement timide et sur ses gardes. Comme si elle voulait se protéger du monde extérieur. «Elle n’a l’air proche de personne et n’est pas le genre à taper sur l’épaule du premier venu», note dans le numéro du 12 mars le journaliste de
Paris Match qui s’est déplacé pour aller l’interviewer à Québec.
En France en tout cas, le succès est devenu tellement frénétique que, de toute évidence, l’équipe qui l’entoure a décidé de la protéger au maximum. Les interviews sont accordées au compte-goutte et savamment dosées. «Elle ne donne pas d’interview les jours où elle donne des spectacles», nous dit-on au service de presse. C’est-à-dire tous les jours ou presque. Lundi soir l’Olympia, mardi soir Bruxelles, mercredi Maubeuge, puis de nouveau Bruxelles. Un agenda rempli à ras bords jusqu’à la mi-juillet. Si on a un peu de chance, on obtient un entretien de 10 minutes au téléphone.
«C’est vrai, on veut la protéger, dit-on dans son entourage. Tout va si vite que parfois elle ne sait plus vraiment où elle est.» Après ses spectacles, Coeur de pirate n’est pas du genre à faire la fête dans les coulisses, pas plus qu’on ne l’a vue flâner aux Victoires de la musique.
Une réserve d’autant plus marquée que sa soudaine célébrité a pris une coloration légèrement sulfureuse. Les photos nues d’elle qui traînaient encore sur l’internet ont fait la couverture d’
Entrevue, magazine plus ou moins
trash. Lolita blonde et surdouée, avec une voix de gamine qui rappelle Vanessa Paradis ou France Gall à leurs débuts, elle attire les magazines plus ou moins à potins.
Closer ou
Voici s’intéressent à elle. «Avec ce qui se passe autour d’elle, dit-on encore dans son entourage, il faut vraiment contrôler sa communication, sinon ça pourrait tomber à un très mauvais niveau…»
Cela fait partie des bizarreries de la vie: lancée au départ par les
Inrockuptibles, hebdo intello et culturel, aujourd’hui nouvelle idole des jeunes, voilà aussi Béatrice Martin candidate au statut de sex-symbol. Avec les inconvénients que cela représente de devenir une star.
Louis-Bernard Robitaille, collaboration spéciale
La Presse
(extrait de Cyberpresse)