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Artistes

Mouzanar

today14/04/2007

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A propos de Mouzanar Lorsque Mouzanar me glissa à l’oreille sa proposition : écrire un texte de présentation de son album et de sa propre personne, à destination promotionnelle des professionnels-de-la-profession-que-vous-êtes, vous qui lisez, j’acceptai sur-le-champ avec enthousiasme, fraternité émue et égo d’auteur flatté. Sans réfléchir. En ami. Oui voilà, en ami. Je plongeai alors illico presto dans des affres à caractère insomniaque :

Je n’avais pas encore écouté les mixes définitifs, mes souvenirs dataient de 7 mois, à Beyrouth, chez Mouzanar et l’affaire à l’époque était loin d’être conclue : les cordes et la voix se disputaient souvent la place du narrateur, il restait des instruments à enregistrer, beaucoup de doutes et d’inquiétudes planaient au-dessus de la console ; un duo-à-venir n’avait même pas encore trouvé sa moitié ( je devais servir d’entremetteur quelques temps plus tard, et bénir l’union vocale de Barbara Carlotti et Mouzanar à Paris)…Quels avaient été ses choix définitifs en matière de couleurs, d’arrangements, et dans quel ordre les chansons occupaient-elles le terrain ? Aucune idée non plus de la pochette. Alors comment faire rimer honnêteté artistique avec blablabla publicitaire en cas de déception ? Et préserver cette amitié intacte ? Dans l’attente du sommeil, je me remémorais ces après-midi de causeries de recherches et d’écoutes, chez lui, dans sa maisonnette plantée en plein cœur de cette ville magique : imaginez un refuge entièrement dédié à la musique, pièce-cabine ultra-équipée, encombrée d’instruments précieux traditionnels ramenés de voyages en Asie, percussions, xylophone…, ou prestigieux et anciens, claviers Fender-Rhodes, synthétiseurs Moog, reverb à bandes magnétiques , vieilles guitares Fender, Gibson, glanés ça et là, trouvés dans les recoins de cette ville, et probablement restés silencieux, endormis depuis trente ans, depuis la guerre. Assis au poste-de-commande de son vaisseau sonore, Mouzanar ouvre une piste, fait sonner un instrument-nouvellement-rescapé, esquisse négligemment quelques notes et ramollit ma vigilance… sa blague préférée jaillit alors des haut-parleurs, vidéo-à-l’appui : une publicité-pour-bagnole dont il a fait la bande-son pour l’Orient, l’Inde, ou je-ne-sais quel pays d’Afrique : on se marre, mais cette manne financière savamment organisée alimente les caisses de son Label et lui permet de produire l’essentiel (il est le seul à le faire) de ce que compte la jeune scène locale en matière de talents, lui conférant une position unique et responsable de chanteur/producteur, au sein d’une communauté artistique par ailleurs totalement dénuée d’aides-à-la-création.

Dehors, un jardinet arboré et clos de murs avec chat et plantes vertes soigneusement entretenus, nous appelle : Mouzanar a préparé le café, rituel immuable, on s’attable-de-jardin-en-fer-forgé-à-la-française, et on parle, du Liban, de Paris, de littérature, des filles, de cinéma (Mouzanar travaille actuellement sur les musiques de deux longs-métrages et a composé l’an dernier la musique de “After Shave”, César du meilleur court-métrage 2006), de la vie… Je quitte brusquement ma rêverie orientale ; un coursier zélé et deux écoutes de l’album plus tard, un sentiment de joie m’envahit : Mouzanar a réussi son pari ; le disque est bon et lui ressemble ; la production est précise, élégante, au service des mélodies, les orchestrations des cordes, belles, subtiles, efficaces, ont trouvé leur place auprès de la voix ; le choix des titres, l’ordre, tout est cohérent, limpide. Le parti-pris du chant est clair, franc : Mouzanar est proche, on dirait qu’il va sortir de la chaîne Hi-fi, avec son humanisme, ses obsessions, son allure d’un autre âge (jetez un œil au visuel) son humour et son grand cœur…

Je relance la lecture. L’objet s’ouvre sur un duo étrange (la peur de l’O), sensuel, dans lequel, du bout des lèvres, sulfureux, Mouzanar nous confie ses angoisses, dans un murmure quasi pornographique, tandis qu’ au loin, une voix de femme le tance, pressante et impuissante à la fois ; la figure de style, à l’opposé du modèle machiste usuel, de cette confession (très) intime appuyée par une section de cordes inspirée s’achève dans la violence d’une guitare saturée, sauvage et revancharde : Mouzanar nous en a t-il trop dit ? “Le rose et le noir” plus tard, consommera la rupture : tempo rapide, schizophrénie (chant doublé) et renoncement-revendiqué par un texte-à-tiroirs ludique, façon trompe-l’œil. Le cœur de l’album peut maintenant palpiter : 3 déclarations enflammées à Paris reflètent une volonté légitime et nostalgique de Mouzanar de s’inscrire dans une histoire de la chanson française ; il passe la ville en revue : une très belle “rue des Martyrs”, sous la neige, semble tester sa résistance au froid, à la solitude que cet amour éperdu d’un Paris disparu lui impose ; ses “Illusions Parisiennes” s’envolent, survolent avec une tendre lucidité les images d’Epinal de “cette ville fanée” ; Mouzanar nous rappelle doucement sa naissance “dans un p’tit coin en rade” et sauve ses rêves “dans les seins dressés d’une serveuse de bistrot”. Son timbre si particulier s’unit alors délicatement à celui de Barbara Carlotti au détour d’un titre supra love, avant de nous livrer cet aveu terrible : “un légume aime une fleur” ; mi-légume/mi-poète, Mouzanar salue Gainsbourg avant d’en finir avec un “Je dors” conclusif, aux relents délicieusement subversifs, dans un Liban en pleine déchirure éternelle ; ce sommeil affirmé revendique le rejet de la violence, des compromissions, politiques, religieuses : un faux appel au droit à l’indifférence qui hurle en un murmure, en un dernier “chut”, le besoin du réveil des consciences. Un très bel objet politico-musical dans la grande lignée des chansons-qui-ont-quelque-chose-à-dire-ou-à-taire, servies par une mélodie et un chant imparables. Impeccable.

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Écrit par: Jean-Claude

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